Affaire d’euthanasie : des membres d’une association soupçonnés de trafic de barbituriques

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Un procès sensible autour du « droit à une fin de vie digne »

L’audience, qui se tient jusqu’au 9 octobre, met en lumière les enjeux liés à la fin de vie et au recours à des substances illicites pour faciliter certains processus. Parmi les personnes attendues devant la justice figurent notamment le philosophe André Comte-Sponville, l’ancien député Jean-Louis Touraine ainsi que la médecin Véronique Fournier. Ces figures publiques seront auditionnées dans le cadre d’un dossier qui concerne des adhérents d’une organisation discrète, Ultime Liberté.

Les membres d’Ultime Liberté poursuivis pour aide au suicide illégal

Les individus, âgés de 74 à 89 ans, sont poursuivis pour avoir, entre 2018 et 2020, aidé des dizaines de personnes, malades ou non, à se procurer sur Internet du pentobarbital, un barbiturique responsable d’une mort rapide et indolore. Ces membres de l’association, issus principalement de professions intellectuelles, sont jugés devant le tribunal correctionnel pour trafic de substances illicites, même si la majorité d’entre eux possède un casier judiciaire vierge. Selon leur avocat, Me Arnaud Lévy-Soussan, cette audience a également pour objectif de sensibiliser l’opinion aux problématiques liées à la fin de vie.

Une revendication audacieuse pour une fin de vie « sereine »

Depuis sa création, Ultime Liberté défend une approche radicale du droit à l’autonomie lors du dernier stade de la vie. Contrairement aux associations pro-euthanasie traditionnelles qui revendiquent une aide à mourir pour les patients en fin de vie, l’association va plus loin en prônant le droit à un décès « serein » pour toute personne consciente de sa décision, qu’elle souffre ou non d’une maladie grave. Selon ses membres, cette démarche repose sur la pleine capacité de réflexion de la personne, aspect qui différencie cette revendication d’un acte de suicide médicalisé.

Les investigations ayant conduit à une centaine de perquisitions

Le début de l’affaire remonte à l’été 2019, lorsque les autorités américaines signalent l’existence d’un réseau mexicain commercialisant du pentobarbital. Ce psychotrope, habituellement utilisé en médecine vétérinaire, notamment comme anesthésique ou euthanasiant, était expédié dans le monde entier sous un emballage dissimulant sa véritable nature, par exemple via l’étiquette « Natural Cosmetics ». Utilisé dans certains pays pour des suicides assistés, ce produit est désormais soumis à des restrictions en France, où son usage est réservé à la pratique vétérinaire.

Les enquêteurs français, grâce à une liste d’acheteurs retrouvée lors de perquisitions menées en octobre 2019, ont identifié une trentaine de personnes décédées, principalement des personnes âgées ou souffrant de maladies graves. Dans certains cas, il semble que des suicides aient été commis sans lien direct avec des pathologies lourdes ou un âge avancé. La justice examine aussi le rôle de certains adhérents d’Ultime Liberté dans l’« accompagnement » de personnes souhaitant mourir, souvent en leur fournissant des conseils pour se procurer du pentobarbital en ligne, voire en les assistent dans leur démarche.

Un engagement aux implications juridiques et éthiques complexes

Selon l’instruction, certains membres de l’association auraient également aidé des personnes dans leur démarche de fin de vie, un comportement qui soulève des questions sur la légalité de leur implication. L’association insiste sur le fait qu’elle ne cherchait pas à encourager ou favoriser le suicide, mais plutôt à accompagner une décision personnelle, en fournissant des informations sur la manière de se procurer le produit, dans un but de liberté individuelle. Ce dossier, mêlant enjeux juridiques et débats éthiques, reste au centre des attentions jusqu’à la clôture du procès prévu le 9 octobre.