Paquet Suisse–UE : stabilisation des bilatéraux, mécanismes internes et distinction du droit européen, selon Pascal Pichonnaz

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Objectifs et contours du paquet bilatéral

Le dossier analysé vise à stabiliser et actualiser les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Il s’agit d’un ensemble qui combine la consolidation des accords bilatéraux existants avec l’ouverture de nouveaux textes dans divers domaines.

Selon Pascal Pichonnaz, professeur de droit à l’Université de Fribourg et ancien président de l’Institut européen du droit, ce paquet réunit à la fois des mesures de stabilisation et des négociations de nouveaux accords. Il renvoie à une logique de complémentarité entre des accords déjà en vigueur et des avancées futures.

Sur le plan juridique, il s’agit d’un ensemble d’accords bilatéraux sectoriels, c’est-à-dire une série de traités qui couvrent des domaines tels que la libre circulation des personnes, les transports et la recherche, tout en intégrant de nouveaux chapitres dédiés à l’électricité et à l’alimentation. On propose une vingtaine de protocoles destinés à compléter ou à actualiser les textes existants.

Des mécanismes institutionnels intégrés

Contrairement à l’accord-cadre institutionnel abandonné en 2021, ce nouveau paquet intègre un volet institutionnel au sein de chaque accord. Il prévoit ainsi une procédure de règlement des difficultés et des différends propres à ces textes.

Une innovation politique est également introduite: le Parlement suisse pourrait intervenir dans les discussions sur la législation européenne, ce qui constitue une première dans ce cadre de coopération. Cette possibilité est présentée comme une étape majeure dans le partage des responsabilités législatives.

Procédure et arbitrage

En cas de désaccord persistant, le paquet prévoit un mécanisme d’arbitrage: d’abord un comité mixte, puis, s’il n’y a pas de solution, un tribunal arbitral composé de trois membres — un juge suisse, un juge européen et un président choisi d’un commun accord.

Si l’une des parties n’accepte pas la décision du tribunal, elle peut continuer d’agir différemment. Toutefois, toute divergence par rapport à la sentence pourrait entraîner des conséquences pour le pays concerné.

La question du droit européen et la souveraineté

Au cœur du débat politique, l’Union Démocratique du Centre (UDC) critique ce cadre en le présentant comme susceptible d’imposer une reprise automatique du droit européen. Cette interprétation est contestée par Pascal Pichonnaz, qui affirme que le texte ne prévoit pas un mécanisme d’assujettissement automatique.

Selon l’expert, le dispositif comporte un « aspect dynamique » qui permet une adaptation régulière au fil des évolutions de la législation européenne, mais sans automatisme. Le droit suisse resterait soumis à un contrôle et à des possibilités d’opposition, notamment par référendum comme c’est déjà le cas pour les lois fédérales. Cette approche pourrait en pratique réduire les délais, tout en rappelant que de nombreuses lois suisses s’inspirent déjà du droit européen avec un décalage de 3 à 5 ans.

La réalité d’une souveraineté partagée

Face à ceux qui craignent une dilution de la souveraineté, Pascal Pichonnaz rappelle que la Suisse est un petit État et que l’influence européenne sur son droit n’est pas nouvelle. Il souligne que l’UE pèse déjà une part importante des échanges suisses: environ 70% des exportations ou des accords commerciaux impliquent l’Union, ce qui illustre une interdépendance croissante.

Cependant, le juriste insiste sur le fait que le droit ne se réduit pas à une simple transposition. Il s’agit aussi d’une question d’interprétation par les tribunaux suisses qui tiennent compte du contexte national. Selon lui, le droit suisse restera toujours distinct du droit européen, même dans le cadre d’accords renforcés de coopération.

Propos recueillis par Pietro Bugnon.