Escalade et trail : quand la pratique sportive cherche un équilibre avec la nature
Aujourd’hui, de plus en plus de sportifs de montagne s’interrogent sur l’impact écologique de leurs activités. Entre nouvelles pratiques responsables, films documentaires et mesures de régulation, l’escalade et le trail tentent de concilier passion et respect de l’environnement.
Une grimpeuse engagée : l'”Ecopoint” au cœur de la performance
À 27 ans, la grimpeuse professionnelle française Eline Le Menestrel a choisi de placer l’environnement au centre de sa carrière. Elle pratique l’Ecopoint, une approche de l’escalade qui intègre l’empreinte écologique dans la performance sportive, en tenant compte notamment du mode de transport et de la préservation de la biodiversité.
L’athlète explique avoir ressenti une forte éco-anxiété dans sa jeunesse. Son engagement lui a permis de transformer cette inquiétude en action, ce qui, selon elle, lui a apporté un équilibre personnel et une motivation durable.
Des ascensions réalisées en mobilité douce
Aux côtés de la Suissesse Katherine Choong, Eline Le Menestrel a gravi « Zahir », une des voies les plus exigeantes des Alpes, dans l’Oberland bernois. Particularité : les deux sportives se sont rendues au pied de la falaise uniquement à vélo, sans recourir à des transports motorisés. Leur aventure a donné lieu à un documentaire présenté au Festival international du film alpin des Diablerets (FIFAD) en août.
Cette démarche s’inscrit dans la continuité d’autres projets personnels de la grimpeuse, qui a déjà parcouru six pays pour aller grimper, en se déplaçant exclusivement à vélo ou en transports en commun. Elle a également pris part à la rédaction d’une Déclaration des droits de la montagne, rédigée collectivement avec d’autres athlètes.
« La montagne n’est pas un simple terrain de jeu »
Pour Eline Le Menestrel, considérer la montagne uniquement comme un espace de loisirs est réducteur. Elle insiste sur l’importance de préserver les écosystèmes alpins, qui représentent bien plus qu’un cadre pour la performance sportive. Ces milieux naturels, rappelle-t-elle, sont essentiels à l’équilibre écologique global.
D’autres sportifs professionnels partagent cette démarche : certains ont même traversé l’Atlantique à la voile afin de rejoindre des sites d’escalade en Amérique, évitant ainsi le transport aérien.
La question de la surfréquentation des sites naturels
L’escalade et le trail séduisent un nombre croissant d’adeptes. Si cette popularité témoigne de l’attrait pour les grands espaces, elle entraîne aussi une pression sur certains sites naturels. Dans le documentaire The Future of Climbing, présenté au FIFAD et récompensé par le Prix Erhard Loretan, l’ancien champion du monde Cédric Lachat met en lumière les conséquences de cette surfréquentation : parkings saturés, campings sauvages, déchets, dérangement de la faune et tensions avec les habitants locaux.
Son objectif est de sensibiliser pratiquants et responsables afin d’éviter des interdictions strictes qui, bien que rares aujourd’hui, tendent à se multiplier.
De nouvelles restrictions en montagne
Alors que l’Everest ou le Mont-Blanc nécessitent déjà réglementations et permis spécifiques, ces mesures s’étendent désormais à d’autres sites. Dans le sud de la France, en Espagne, en Italie ou au Tessin, certaines falaises sont soumises à des quotas, des horaires d’accès ou des fermetures saisonnières. Une logique déjà bien ancrée aux États-Unis, où la gestion des parcs nationaux met en avant la conservation de l’environnement.
Des événements sportifs appelés à évoluer
Olivier Bessy, sociologue du sport et du tourisme à l’Université de Pau, souligne que de grands événements devront bientôt réévaluer le nombre de participants et leurs conditions d’organisation. Selon lui, la ressource naturelle qui rend ces pratiques possibles est menacée par le changement climatique, l’érosion de la biodiversité et la raréfaction de l’eau.
La question des transports est cruciale, car ils représentent une part très élevée de l’empreinte carbone liée à ces activités — entre 80 et 90 % selon le chercheur.
Entre engagement des athlètes et dépendance économique
L’ultra-trail du Mont-Blanc, dont la prochaine édition aura lieu le 29 août 2025 à Chamonix, rassemble plus de 2000 coureurs pour une course de 176 km cumulant près de 10 000 mètres de dénivelé positif. Mais ces événements posent la question de leur impact environnemental. En 2022, le coureur britannique Andy Symonds avait d’ailleurs renoncé aux Mondiaux de Thaïlande pour éviter l’avion et limiter son empreinte carbone.
Cette volonté de montrer l’exemple a une portée importante à l’ère des réseaux sociaux. Toutefois, elle soulève également la question du rôle des sponsors, certains équipementiers mettant en avant l’image plus « verte » de ces sportifs tout en reposant sur un modèle économique axé sur la consommation.