Pauvreté et IA : l’imagerie générée par l’intelligence artificielle au service des ONG et les controverses associées
Contexte et étude récente
Une étude publiée récemment dans The Lancet souligne l’expansion de l’usage d’images produites par l’intelligence artificielle dans des campagnes humanitaires, un phénomène qui nourrit les débats et certains évoquent une forme de « pauvreté porn ». Cette logique scénarisée peut être associée à l’idée de contenus provocateurs sur les réseaux sociaux, parfois comparée au concept de « food porn ».
Cas concrets et exemples
Plusieurs exemples récents sont cités par Arsenii Alenichev : une campagne de Plan International visant à dénoncer les mariages forcés d’enfants qui s’appuie sur des vidéos générées par IA montrant des jeunes filles enceintes et maltraitées, et une campagne des Nations Unies contre les violences sexuelles dans les conflits, mettant en scène des survivantes conçues par IA.
Recherche de l’image parfaite
Le recours à ces images présente deux avantages principaux: il réduit les coûts et il protège l’identité des personnes concernées. Selon Valérie Gorin, directrice de la formation au Centre d’études humanitaires de l’Université de Genève, l’IA permet de définir le cadre narratif et les caractéristiques souhaitées pour l’image, en dictant le scénario idéalisé.
Elle précise que cet outil peut aussi faciliter l’évitement de certaines questions éthiques liées au consentement des personnes réellement représentées dans des photographies traditionnelles.
Stéréotypes et voyeurisme
Cependant, les images générées par IA continuent de reproduire des clichés sur la misère et suscitent une forme de voyeurisme; le chercheur Arsenii Alenichev décrit ce phénomène comme une « pauvreté porn 2.0 ». Il a répertorié près d’une centaine d’images IA utilisées dans des campagnes en ligne à visée humanitaire, véhiculant des représentations misérabilistes.
Ces visuels sont accessibles sur des banques d’images en ligne telles qu’Adobe ou Freepik et inondent ensuite les réseaux sociaux. Maria Gabrielsen Jumbert, chercheuse au Peace Research Institute d’Oslo et au Centre de recherches internationales à Paris, note que les banques d’images se remplissent d’images générées par IA, facilitant l’accès à des visuels illustratifs pour des petites ONG à coût réduit.
Des enfants au premier plan
Selon Jumbert, les images décrivent souvent des situations contrastées sur le plan sanitaire et hygiénique et présentent fréquemment des enfants; Gorin rappelle que l’enfant est une figure associée à l’innocence et est perçu comme l’élément « idéal » dans les représentations, même si les femmes et les personnes âgées apparaissent aussi, alors que les hommes restent moins présents.
Un piège potentiel pour les ONG ?
Au-delà des stéréotypes, l’utilisation de l’IA soulève des questions de crédibilité pour les acteurs humanitaires. Le photographe Niels Ackermann estime que présenter un problème réel à l’aide d’un contenu artificiel peut nourrir une méfiance accrue chez le public. Il souligne également que les ONG sont exposées à des attaques visant à les décrédibiliser; si elles recourent à des contenus trompeurs, elles risquent de fragiliser la confiance et le soutien dont elles dépendent.