Bovary Madame : Emma Bovary revisitée sur scène, entre rires et violence
Accrochée en fond de scène, une projection évoque l’agonie d’Emma Bovary sous les convulsions de l’arsenic. Pour autant, le personnage persiste, dépassant l’image d’une épouse déprimée: Madame Bovary est devenu un mythe qui refuse de mourir et qui résonne aujourd’hui comme une figure intemporelle.
Sur le plateau du Théâtre Vidy-Lausanne, Ludivine Sagnier prête à Emma une expression désabusée et une présence qui semble hors du temps. Autour d’elle, Marlène Saldana incarne Madame Loyal, une figure théâtrale à la fois redoutable et fascinante. Emma se raconte tout en s’égarant dans un rêve qui cherche à démêler les fils de sa chute.
Une reconstitution policière du récit
Sous la direction de Christophe Honoré, Bovary Madame se présente comme une reconstitution policière des lieux emblématiques où se joue le drame: le foyer conjugal, le bal au château, les comices agricoles, la tonnelle du jardin, l’opéra, un fiacre, la boutique du marchand et la pharmacie.
Fuyant le naturalisme flaubertien, le metteur en scène privilégie la parabole: la pièce se déploie sur un rond de sciure, dans un décor évoquant un cirque. Les interprètes s’affirment clownes, acrobates, lanceurs de couteaux, chanteurs, trompettistes, marchands de barbe à papa ou figures de grand guignol et de burlesque, entre confessions au micro et numéros de danse et de variété.
Des choix scéniques et musicaux
Le dispositif sonore et visuel accompagne des choix musicaux inattendus: des extraits de Michel Sardou côtoient le hard rock de Led Zeppelin et des reprises de Joe Dassin, afin de replacer l’histoire de Flaubert dans une France rurale d’autrefois, parfois décrite comme « d’en bas ». Cette juxtaposition rappelle que l’intrigue s’enracine dans une époque rurale et qu’écouter de la variété n’est pas perçu comme un signe de mauvais goût.
Rires, violences et ambiguïtés
Le spectacle alterne les éclats de rire et les scènes plus dures, où le jeu d’acteur, direct et cru, rend certaines formes d’abus plus explicites que le texte de Flaubert lui-même, qui fut confronté à des plaintes pour atteinte aux bonnes mœurs à sa parution. Emma-Ludivine ne reprendra pas la scène du fiacre, cette fuite par l’amour charnel: le personnage se révolte et questionne, à travers les âges, ce qui relie l’héroïne du XIXe siècle à une actrice d’aujourd’hui malmenée sur scène.
Par cette lecture, Christophe Honoré propose une Emma Bovary contemporaine, résonnant au-delà des époques et des genres, portée par un théâtre qui associe virtuosité et réflexion dramatique.
Note: 5/5 — Thierry Sartoretti / ld
Présenté au Théâtre Vidy-Lausanne, avec Ludivine Sagnier et Jean-Charles Clichet, jusqu’au 8 octobre 2025.
Rendez-vous culture : À voir, l’interview de Ludivine Sagnier et Harrison Arevalo dans le 12h45.