Il y a 30 ans, la première exoplanète révélait une révolution dans l’astronomie
Contexte historique et perspective sur les planètes de la Voie lactée
Au cours de la première moitié du XXe siècle, les estimations sur le nombre de planètes dans la Voie lactée conduisaient à une hypothèse audacieuse: notre système pourrait être unique parmi environ 200 milliards d’étoiles.
Une impulsion conceptuelle avec Otto Struve
Selon Michel Mayor, Otto Struve a été le premier à remettre en cause ces idées. En 1952, il publie une lettre expliquant que lorsque un nuage de gaz s’effondre pour former une étoile, la rotation du gaz s’accélère, comme une danseuse qui tourne sur elle‑même. Or, le Soleil tourne lentement, ce qui amène à penser que le moment angulaire s’est échappé et a formé un disque en rotation rapide, propice à la formation de planètes.
Un tournant majeur: les planètes comme sous-produits de la formation stellaire
Cette réflexion mène à l’idée centrale selon laquelle les systèmes planétaires seraient des produits naturels de la naissance des étoiles. Des milliards de planètes pourraient exister dans la Galaxie, selon les estimations de l’époque, résume Michel Mayor.
La détection exoplanétaire: une nouvelle ambition
Pour Mayor, l’enjeu change radicalement: l’objectif devient désormais de détecter ces exoplanètes et d’examiner leurs signes potentiels de vie.
Une conférence et la méthode des vitesses radiales
À New York en 1985, une conférence consacrée aux vitesses radiales réunit une dizaine de groupes actifs à l’époque; environ cinq d’entre eux ont produit des mesures réelles.
La contribution du spectrographe et les moyens de calcul
La clé réside dans le spectrographe conçu par Mayor: il permet d’analyser les mesures en temps réel. Le logiciel associé tournait sur un ordinateur de l’époque avec une mémoire d’environ 8 kilo-octets, une capacité bien moindre que celle des smartphones actuels.
La démarche d’observation et les cibles prioritaires
Avec Antoine Duquennoy, Mayor a passé plus d’une décennie à dresser une liste d’étoiles solitaires, proches et semblables au Soleil, susceptibles d’héberger des systèmes planétaires.
Le rôle des instruments et des sites d’observation
Un télescope modeste de 1,93 m, équipé du spectrographe ELODIE, fut monté à l’Observatoire de Haute‑Provence. Didier Queloz, doctorant de Mayor, a contribué à cet appareil révolutionnaire.
La période de financement et les premières nuits
En 1993, le CNRS octroie du temps d’observation pour étudier les 142 cibles les plus prometteuses, soit 42 nuits réparties sur plusieurs mois.
La découverte de 51 Pegasi b en 1995
Au début de l’année 1995, Mayor poursuit des travaux à Hawaï et Queloz accumulationne les données en Provence. En février, des variations périodiques sur l’étoile 51 Pegasi semblent suggérer la présence d’une planète. D’autres explications, comme des phénomènes magnétiques ou des pulsations stellaires, ne peuvent être écartées immédiatement.
À mesure que l’étoile réapparaît dans le ciel en juillet, des mesures complémentaires confirment que les variations suivent l’éphéméride prédites plusieurs mois plus tôt, renforçant l’hypothèse d’une planète orbitant l’étoile.
Une planète exceptionnelle et une nouvelle catégorie
51 Pegasi b, située à environ 50 années-lumière dans la constellation de Pégase, est une géante gazeuse dont la masse est environ la moitié de celle de Jupiter et dont la température avoisine les 1000 degrés. Son orbite rapide se complète en 4,2 jours terrestres, bouleversant les notions sur les configurations planétaires et ouvrant la voie à la notion de Jupiter chaude.
La couverture médiatique et l’embargo scientifique
L’article de référence, intitulé A Jupiter‑mass companion to a solar‑type star, est publié dans Nature en novembre 1995. L’annonce officielle a eu lieu un mois plus tôt à Florence, devant environ 300 astronomes, et Nature a imposé le respect de l’embargo afin d’éviter une fuite avant publication.
Le Nobel de physique 2019 et l’héritage durable
Vingt‑quatre ans après l’annonce, Michel Mayor et Didier Queloz reçoivent le prix Nobel de physique 2019 pour la découverte d’une exoplanète orbitant une étoile de type solaire. Les deux chercheurs évoquent l’émotion et la perception du temps qui passe lors des cérémonies et des retombées médiatiques qui ont suivi.
Un chemin renommé en hommage
En 2021, le chemin menant à l’Observatoire de Genève a été renommé ch. Pegasi, en hommage à ces découvertes et à leur contribution à l’étude des exoplanètes et à notre compréhension de notre place dans le cosmos.