Menace intérieure en Israël : analyse et appel à une solution politique selon Tamir Pardo, ex-directeur du Mossad
Tamir Pardo, figure historique du renseignement israélien et ex-directeur du Mossad (2011-2016), a longtemps évolué dans l’ombre au cœur des services secrets. Retiré du service, il est devenu l’un des critiques les plus clairement posés envers le Premier ministre en exercice.
Lors d’un entretien diffusé dans l’émission Tout un monde sur RTS, il affirme que la guerre à Gaza n’est plus porteuse de sens et qu’elle entraîne un lourd bilan humain, financier et stratégique. Il rappelle que des erreurs ont été commises et que leur coût conduit, selon lui, à remettre en question la poursuite de l’offensive et à chercher une approche différente face à Gaza.
Une analyse de la guerre à Gaza et ses implications
Parfois présenté comme une proposition de paix, le raisonnement de Tamir Pardo est climatique sur deux plans: il critique l’idée d’agir uniquement par le soutien à un groupe considéré comme terroriste et il propose une lecture selon laquelle l’adversaire aurait délibérément recherché l’escalade. Il affirme que les Européens voient une catastrophe, mais que, d’un point de vue local, l’objectif des dirigeants adverses était de poursuivre le conflit; selon lui, les parties opposées auraient été prêtes à s’engager jusqu’au dernier pouvoir militaire, ce qui, selon lui, représente un piège bien pensé.
Il précise aussi que l’observation de la situation par d’autres acteurs internationaux ne peut pas être réduite à une responsabilité israélienne unique et rappelle que des éléments furent perçus comme une stratégie de l’autre camp pour maintenir l’escalade.
Une solution politique comme voie de sortie
Sur le volet sécuritaire, l’ancien chef du Mossad déplore ce qu’il décrit comme des choix politiques répétés au fil des années. Il soutient qu’“acheter la paix” en finançant des acteurs hostiles ne peut pas fonctionner et que la ténacité d’un conflit n’est pas garantie d’évoluer favorablement par la dissuasion seule. Pour lui, la fin de la guerre ne peut venir que d’une solution politique, impliquant les deux parties et une rupture avec l’optique de confrontation permanente.
Il rappelle aussi l’enjeu démographique: entre la Méditerranée et la vallée du Jourdain vivent environ 15 millions de personnes, 55% juifs et 45% non juifs. La question qui se pose, selon lui, est celle d’une solution durable pour ce territoire et non d’un simple maintien du statu quo, faute de quoi la souffrance persistera des deux côtés.
Au XXIe siècle, Tamir Pardo appelle à une sagesse accrue et à une réorientation de l’identité de la « start-up nation ». Il plaide pour une véritable solution qui transcende le statu quo, avertissant que persister dans le conflit conduirait à un bain de sang que même les partisans de la sécurité ne souhaitent pas.
Fractures profondes et leadership
En septembre 2023, il avait provoqué une polémique en parlant de la situation en Cisjordanie comme d’un cadre relevant de l’« apartheid ». Deux années plus tard, il réaffirme son point de vue: plus de deux millions de Palestiniens y vivent, et l’établissement de droits équivalents pour tous est une condition essentielle, faute de quoi le pays pourrait voir sa nature même remise en question. Cette position est présentée comme un choix sur l’avenir du pays et l’identité nationale.
Selon lui, la société israélienne est profondément divisée et nécessite un nouveau leadership, plus tôt que tard, capable de rassembler l’ensemble des sensibilités, y compris les populations non juives. Le constat est celui d’une fracture qui dépasse les simples frontières et qui pourrait mettre en péril la cohésion nationale si elle n’est pas abordée autrement.
Division interne et appel à l’unité
Pour Pardo, le danger majeur ne réside pas uniquement dans les menaces extérieures, mais dans les clivages internes qui fragilisent la société. Il affirme ne craindre personne à l’extérieur et insiste sur le fait que, lorsque la société est déchirée, le danger intérieur devient prioritaire. Il appelle à un sursaut collectif et à un leadership capable de soigner ces blessures et d’inclure l’ensemble des habitants dans une perspective commune.
Propos recueillis par Benjamin Luis/hkr